Joseph Smaha sera pleuré comme un Combattant

Ce matin s’est éteint à Londres le cœur de Joseph Smaha, rédacteur en chef du journal Al-Akhbar. Je ne sais encore dans quelles conditions sa mort est venue. « Il est mort de malheurs ! » C’est ce que tout le monde autour de moi me disait. C’est ainsi que tout ceux qui l’ont aimé le concevaient, un grand cœur sensible et sincère qui ne pouvait mourir que pour une noble cause, celle de ne jamais avoir fait de concession, celle d’avoir choisi le chemin social le plus difficile et le plus risqué. Qui d’autre parmi cette classe de laquais qui se veulent garant de l’information se serait empêché, autant que lui, de faire plaisirs aux puissants du pays ?

Lire Joseph Smaha, c’est ne lire personne d’autre que lui. C’est quelqu’un qui ne représentait, comme rares l’étaient, que lui-même. Mais c’était le porte parole d’une intégrité qui sied à ces groupes sociaux libanais combattus par tous et désormais presque disparus, pour le malheur de tous.

Il sera pleuré. Il est pleuré à Londres, à Paris, en Arabie Saoudite, là où seront tous ces camardes, ses camardes qui auraient vu en lui une vengeance contre l’Ordre qui a causé leur émigration, leur fuite, leur pleurnicherie, leurs vie plate, leur être et leurs rêves remis en cause. Car il y’en a qui sont doublement écartés, une fois par l’obligation du voyage, et une autre par la destruction de leurs passé. Les émigrés sorti de Beyrouth ont vu en Joseph Smaha et dans Al-Akhbar une dernière tour gardée là où les anciens projets se sont fait massacrés.

A travers lui, ils sortaient de leur statut de renégats grandis. C’est avec un sourire de satisfaction que l’on écoutait depuis quelques semaines Samir Geagea, dernier petit chien de l’Ordre, dire d’Al-Akhbar que c’est un organe de propagande des moukhabarat Syriens. Samir Kassir en aurait éclaté de rire. « Le bonheur est dans la Lutte », disait Hegel. Quand la Lutte est remise sur ses rails, l’Ordre devient petit.

Samir Kassir avait compris Joseph Smaha, c’est pour cela qu’il disait une fois dans une interview que quand il écrivait, souvent, il s’adressait implicitement à Joseph Smaha.

Malgré leurs différents politiques, ces princes de la classe moyenne savaient quelles étaient finalement les limites de la décence, de la fidélité, ils ne s’en ont jamais approchés lorsque d’autres ont toujours été de l’autre coté.

Avec la mort de Joseph Smaha, une profession perd de ses derniers titres de noblesse. Les chiens de garde sont nombreux, on n’entendra pas beaucoup parler de Lutte dans les journaux demain. Mais ce n’est pas grave, tout au Machreq Arabe est à refaire. Et les jeunes journalistes qui se vanteront avec gloire de Joseph Smaha comme lecteur existeront toujours, malgré sa mort. La Lutte continue. Et joseph Smaha, derrière les coulisses, sera pleuré comme un combattant.